Environnement : Le bitcoin, désastre écologique en perspective?

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Pour réaliser une transaction dans la monnaie virtuelle, il faut autant d’énergie qu’un foyer américain en utilise pour vivre pendant une semaine. Et plus le cours du bitcoin augmente, plus les besoins en énergie s’accroissent. Des solutions émergent.

Le point commun entre le bitcoin, Oman et le Nigeria? L’écosystème de la cryptomonnaie se situe juste entre la plus grande économie d’Afrique et le sultanat en termes d’énergie consommée pour fonctionner. Soit 0,12% de la consommation électrique mondiale. Dans le détail, les chiffres sont encore plus affolants: une transaction en bitcoins nécessite autant d’énergie qu’un peu plus de huit foyers américains pour vivre pendant une journée.

C’est la plateforme Digiconomist, spécialisée dans la recherche sur les cryptomonnaies, qui fait ces calculs et publie un indice de la consommation d’énergie du bitcoin, qui ne cesse d’augmenter. Il est impossible de connaître exactement le matériel utilisé et son efficience énergétique, mais comme l’explique le créateur de l’indice à Motherboard, une plateforme spécialisée dans la technologie du magazine Vice, on peut obtenir une estimation en calculant la rentabilité de la création d’un bitcoin. Donc, plus le prix est élevé – et il vient de marquer un nouveau record la semaine dernière, se rapprochant de 8000 dollars –, plus ses créateurs sont prêts à utiliser de l’énergie pour en créer. Pour Digiconomist, le but est de montrer que le système actuel sur lequel fonctionne le bitcoin est «insoutenable». D’autant qu’on ignore totalement les sources d’énergie utilisées, qui ne sont pas nécessairement propres.

Pour comprendre: Comment l’indice de la consommation d’énergie du bitcoin est calculé (en anglais)

La raison de cette consommation effrénée pour un outil supposé virtuel? Le cœur même de son fonctionnement: le système du «Proof-of-work» (preuve de travail). Selon ce dernier, des «mineurs» doivent résoudre des problèmes complexes à l’aide de logiciels spécialisés et d’ordinateurs super-puissants (et pas accessibles à tout un chacun) pour valider les transactions et débloquer ainsi des bitcoins – leur paiement pour ce travail de validation –, ce qui prend beaucoup d’énergie de calcul. Comme un site spécialisé l’a résumé: on peut comparer la résolution de ces problèmes à un cadenas dont il faudrait trouver la clé parmi des millions de clés. Or, plus le temps passe, plus les calculs à faire pour débloquer des bitcoins se complexifient, plus les «mineurs» doivent se suréquiper en matériel informatique, plus l’énergie nécessaire augmente.

 

D’autres estimations, qui utilisent des postulats différents, évoquent une utilisation d’énergie moins importante. Mais elles n’ont pas été mises à jour avec la flambée du prix de ces derniers mois. Surtout, même si la consommation apparaît moindre, elle reste stratosphérique en comparaison avec des moyens de paiements traditionnels. Un analyste de la banque ING, par exemple, évaluait mi octobre chaque transaction à 200 kWh (245 kWh, d’après Digiconomist, ces jours). Soit plus de 200 lessives, selon l’analyste, qui a également comparé sa propre consommation d’énergie: 45 kWh pour une semaine dans son foyer.

L’ether moins gourmand

Le problème existe dans les autres cryptomonnaies, mais pas toujours dans la même ampleur. L’ether, par exemple, la deuxième cryptomonnaie la plus importante après le bitcoin, est moins gourmande en énergie. Elle n’a besoin de «seulement» l’équivalent de la consommation d’1,85 ménage américain sur une journée pour réaliser une transaction, toujours d’après Digiconomist. Dans son ensemble, le système fondé à Zoug utilise autant d’énergie que Trinidad & Tobago, mais la différence avec le bitcoin s’explique probablement aussi par le fait qu’il n’est pas aussi largement utilisé, du moins pour l’instant.

L’ensemble du réseau bitcoin consomme l’équivalent de 2,4 millions de ménages américains, contre 0,9 million pour l’ether. Ce, alors qu’un système comme les cartes de crédit Visa représente 50 000 ménages. Antoine Verdon, investisseur et entrepreneur, tempère cependant: «Cela ne veut pas dire que le montant d’électricité dépensé est injustifié au vu de l’importance acquise par cette cryptomonnaie. On pourrait comparer cette dépense énergétique avec l’énergie nécessaire pour construire une banque ou pour imprimer de la monnaie traditionnelle.»

Solution possible

En outre, poursuit ce spécialiste des cryptomonnaies, si les quantités d’énergie requises deviennent intenables, il est possible que les développeurs modifient l’algorithme du bitcoin, mettant en place d’autres systèmes de vérification des transactions. «On parle par exemple beaucoup de «Proof-of-stake» (pour preuve d’enjeu, par opposition à la «Proof-of-work») comme nouveau moyen pour vérifier les transactions du réseau: dans ce système, la vérification des transactions se ferait non plus par les «mineurs», mais par les détenteurs des coins eux-mêmes», explique Antoine Verdon.

Avec la preuve d’enjeu, le minage devient en quelque sorte virtuel. Des détenteurs de cryptomonnaies les mettent en dépôt et deviennent des validateurs. L’un d’eux est ensuite sélectionné par l’algorithme pour valider une transaction et créer un bloc qui va s’ajouter à la blockchain, au lieu que tous doivent le faire. Ces derniers n’ayant pas besoin de résoudre de puissants calculs, ils ne consomment pas d’énergie et n’ont pas besoin de recevoir de nouveau bitcoins en échange.

Pour en savoir plus: Qu’est-ce que la preuve d’enjeu? selon le site Ethereum France

Un écueil attend toutefois le système de la preuve par l’enjeu, prévient l’analyste d’ING: «Cela sonne comme une idée intelligente. Mais elle implique que seuls ceux qui sont suffisamment riches pour mettre des ressources en dépôt puissent joindre le processus de minage. Cela revient à créer une ploutocratie, ce qui se marie assez mal avec les racines libertaires et anarchiques de la cryptomonnaie.» On peut nuancer en rappelant que les «mineurs» actuels doivent aussi avoir une solide capacité financière pour se permettre d’acheter le matériel nécessaire: on parle davantage de centrales de minage que d’informaticiens ayant un serveur à la cave. Mais, comme l’analyste le conclut: trouver une solution juste et durable représente le grand défi de la communauté du bitcoin aujourd’hui.

Source : Le Temps

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